Intégration: programme et processus

Chacun des participants a expérimenté une approche différente dans leur processus d’immigration. Comme le souligne Mme Lopez qui le voit encore régulièrement dans son travail comme agente à l’immigration : « Ça dépend de ton pays d'origine, ça dépend du type de visa que tu as, ça dépend du type de permis, ça dépend si ton pays a une [entente] spéciale […] avec Canada ou avec juste Québec. Donc, il y a toujours des choses différentes. » Ce n’est pas toujours lors de la première demande que l’immigrant, la famille ou le couple, est accepté par l’IRCC (l’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada). Cette approbation dépend de plusieurs facteurs : le type de demande, la période à laquelle elle a été effectuée, les changements apportés aux visas, leurs types et le pays où émane la demande. Encore une fois, selon Mme Lopez : « […] en tant que Mexicains, à l'époque, on avait besoin d'un visa […] Maintenant, tu as juste besoin d'une autorisation de voyage. […] C'est différent. Car un visa, ça prenait comme six mois d'attente et comme une centaine de dollars à avoir. Une autorisation de voyage, ça prend trois jours et ça coûte 17 dollars. […] Donc c'est complètement différent. Mais en 2015, il y avait des visas. »

Le plus facile reste sans doute la demande d’un permis vacances-travail, surtout pour ceux qui n’ont jamais immigré auparavant. Pour Paul Drouot, la première demande fut la plus facile : « […] je fais cette demande-là parce que j'ai rien à perdre. Puis je me dis, ben tu sais, pourquoi pas? […] Puis j'étais jamais venu au Canada avant. Donc je demande le permis de vacances-travail. […] Je suis chanceux parce que l'année où je demande, c'est là où ils viennent de changer le système de fonctionnement. » Paul retourne en France après son premier séjour, mais il veut revenir au Québec. Cette fois, c’est pour y entreprendre des études, mais la pandémie l’empêche d’aller de l’avant. Il prend le temps de ramasser un certain capital, mais malgré cet argent accumulé, une garantie supplémentaire est nécessaire pour valider sa demande : « […] j'ai fait mes démarches depuis la France. Il y a eu tout un enjeu au niveau du financement aussi, parce qu'il fallait justifier que j'avais déjà la capacité financière de mes trois années d'études. » Finalement, c’est en se trouvant un bailleur de fonds qu’il est accepté au Canada.

Il n’est pas le seul à éprouver des difficultés. Dans le cas des Salomon, leur demande d’immigration a été acceptée, mais c’est le processus de citoyenneté qui a été plus compliqué. Arrivé pour de bon au Québec en juillet 2001, il échappe de peu à une fermeture temporaire des frontières : « En fait, quand on est revenu au mois de juin, juillet, peut-être ? Dans ces eaux-là. On a dit tout de suite on va aller déposer notre demande de citoyenneté. […] parce que c'était clair pour nous qu'on voulait devenir Canadien. […] Puis malheureusement, le 11 septembre 2001 est arrivé. » Thierry Salomon. Pour le couple et leurs enfants, le processus est repoussé à une date ultérieure, le temps que les autorités américaines évaluent leur dossier : « Car tous les papiers partaient à New York, aux États-Unis, pour vérification à l'époque […] parce que de la province, ça a pris six mois et c'était réglé. […] Mais les papiers fédéraux […] partaient là-bas à l'époque. » M. Salomon rajoute : « Les Américains ont voulu […] regarder tous les dossiers d'immigration qui rentraient en Amérique du Nord. […] puis là, ça a traîné, ça a traîné […] on avait un avocat de la compagnie qui nous avait aidés à faire les papiers et tout, donc qui suivait notre dossier. Et puis lui aussi, il était désespéré parce qu'il dit « Écoute, on n'a aucun contrôle, tout est parti aux États-Unis. » Moi j'ai encore des papiers qui sont « stamper » gouvernement américain ! ». Si Thierry Salomon a conservé son emploi pendant cette période, ce fut différent pour son épouse, Sandrine Peugeot, qui n’avait pas de permis de travail : « Ça a été long avant que je puisse travailler. Moi, j'ai juste un permis de visiteur. Et je me suis forcée à aller faire du bénévolat à l'école où étaient les enfants, à la bibliothèque, tsé pour connaître du monde, pour voir du monde. C'est pas [de] resté chez soi, non plus, tout le temps enfermé, parce que sinon là... » Après plus de sept ans d’attente, le couple et leurs enfants obtiennent la citoyenneté canadienne en juillet 2008.

Lorsque le processus est réalisé en couple ou en famille, il n’est pas inhabituel que le conjoint n’ait pas autant de liberté. Pour Diana Lopez, la situation était double, ne parlant pas français : « Oui, [il] était comme plus relax de ce côté. Lui avait quand même... certaines « courses » à prendre […] Mais [je suis] arrivé en tant que « visitor ». […] Ça veut dire je [ne] pouvais pas aller à l'école […] je [ne] pouvais pas prendre des cours de francisation, je [ne] pouvais pas travailler. […] Donc, on a une amie mexicaine qui aussi son conjoint était à l'université McGill et moi, on était les deux, toutes seules, toute la journée, à rien faire, juste comme, aller à l'épicerie. » C’est dans ces lieux publics qu’elle apprend petit à petit le français. « […] j'ai commencé toute la préparation pour avoir mon permis de travail. Comme on était déjà... À Québec, et mon mari avait son permis d’études, ça a pris... Juste trois mois. C'était pas mal rapide. À ce moment, j'ai commencé à prendre les cours de francisation en temps partiel […] »

L’accueil au pays

L’expérience des participants est différente en fonction de la période d’arrivée, miroir des politiques gouvernementales et de l’implication des régions dans l’accueil de ces immigrants.

C’est d’abord le cas lorsque ceux-ci cherchent un emploi ou qu’ils doivent se qualifier pour l’exercer, comme ce fût le cas pour Albert Khelfa qui a suivi des cours universitaires pour pallier les exigences de l’Ordre des dentistes du Québec. Ce dernier avait déjà obtenu son diplôme au Caire : « Je voulais aller vers la dentisterie, mais à l'époque, c'était très difficile. […] J'étais considéré comme non légalement qualifié. […] Finalement, j'ai opté pour aller faire un cours de rattrapage de neuf semaines préparatoires à l'examen. […] J'ai pas passé sur deux points, parce que je n'ai pas trouvé le laboratoire pour faire couler les dentiers ! » Le destin aurait voulu que M. Khelfa trouve un emploi comme enseignant à Sorel-Tracy, alors qu’il ne connaissait pas la ville : « J'avais reçu plusieurs offres d'enseignement. L'offre de Mont-Laurier, une offre de LaSalle, une offre de Sorel. […] LaSalle, c'est à côté de Montréal […] [Mais Sorel] Je ne savais pas où c'était ! » Comme le démontre son cas, l’une des étapes d’adaptation de l’immigrant demande parfois de changer de carrière pour s’adapter aux besoins du territoire d’accueil. Finalement, M. Khelfa continuera pendant de nombreuses années à enseigner différentes matières à Sorel, avant d’ouvrir son commerce et de se lancer en politique.

Pour Séraphin Ayissi Djoulde et son épouse, le parcours de qualification est presque terminé. Tous deux sont qualifiés dans leurs domaines respectifs, mais diverses formations ont été nécessaires pour exercer leur métier au Québec. Comme le souligne Jael Endale : « C'était pas facile, parce que même à la maison, il fallait trouver le juste milieu : les études, le travail, les activités familiales et autres […] activités culturelles. […] j'ai commencé à travailler comme préposé aux bénéficiaires à partir d’avril [2023]. Mais les jours où je travaillais, je n'arrivais à rien faire à la maison. » La préparation pour l’examen de l’Ordre des infirmières en mars 2024 a demandé plusieurs ajustements : « Les protocoles de santé c'est pas les mêmes parce que ce ne sont pas les mêmes pathologies. C'est différent. Nous on est dans une zone tropicale, ici c'est autre chose. Donc il faut aussi s'adapter par rapport à ça. Le contexte de pratique aussi. […] il faut s'arrimer à ce que l'autre attend de nous et aussi aux protocoles des établissements de santé. […] » Pour elle, les formations, plus que les stages, ont été utiles dans son cheminement : « j'ai apprécié faire une formation, aller à l'école, plutôt que de faire un stage, parce que je me suis dit, si l'Ordre m'avait prescrit un stage d'intégration, je [ne] pense pas que j'aurais assimilé autant de choses. Parce que même avec un an de formation, je me rends compte […] que il y a plein, plein de choses qu'on n'a pas vues. »

Pour son époux, ses compétences comme ingénieur agronome au Cameroun lui ont permis d’avoir accès à des formations à distance, plutôt que de devoir passer par un centre de formation : « Dans mon cas, l'Ordre des agronomes avait une plate-forme dans laquelle vous suivez des formations. Donc j'ai suivi des formations. […] Tout dépend maintenant de votre rythme à vous. […] Moi, ça m'a pris moins d'un an. Lors de notre souper des agronomes, il y a quelqu'un qui disait ça lui a pris sept ans ! Donc ça dépend vraiment du rythme. » En effet, cette préparation lui a pris neuf mois, réalisée à travers ses autres obligations : « […] elle [son épouse] est rentrée aux études. Moi, j'étudiais à la maison et je le faisais en travaillant. […] Donc ce n'était pas évident. J'ai fait le quart de soir 3 heures [à] 11 heures, ça veut dire quand je rentre, j'ai peut-être une ou deux heures pour faire quelque chose et puis me coucher, me réveiller vers neuf heures, travailler encore une heure ou deux heures tout en faisant aussi les travaux de maison et tout ce qui va avec. »

Pour d’autres, la situation est plus ambiguë. Même avec des qualifications poussées ou des études réalisées au Québec, il est difficile, voire impossible, de trouver un emploi dans leur domaine. Le conjoint de Diana Lopez a terminé ses études, sans succès : « Lui, avec son doctorat, malheureusement, ça [n’]a pas marché. […] À la fin, il a changé de domaine. Les dernières années de son postdoctorat, lui a fait en même temps, une sorte de certificats... de sciences des données. » C’est finalement ce diplôme supplémentaire, loin de son milieu d’études original (l’ingénierie), qui lui permet de trouver un emploi à la Banque Nationale. Même Diana, qui a fait des études en marketing et en design, s’est trouvé divers emplois dans le service à la clientèle, qu’elle est venue à apprécier. Depuis quelque temps, elle travaille comme agente pour l’accueil des nouveaux immigrants à l’Orienthèque, un emploi qui lui permet d’apporter de l’aide où elle en ressent le besoin : « […] ce n'est pas juste un service de service à la clientèle, c'est un service d'aide à la clientèle. Je... Il faut parler avec des gens qui viennent de débarquer l'avion. Il faut dire beaucoup de choses et aider [les] gens […] ».

Pour Paloma Isabel Gallego, c’est d’abord son père qui, même avec son expérience comme propriétaire et entrepreneur, n’a pas été en mesure de trouver un emploi stable : « Il [n’]a pas vraiment voulu changer, mais il [ne] travaille pas dans son domaine. Il […] travaille comme agent administratif, mais lui, il est ingénieur informatique. […] Puis ça a pris des années, il faisait des petits travaux]. […] Tsé, il avait une compétence pour faire d'autres choses. Ça a été très difficile de trouver un emploi qui se rapproche […] ». Plus encore : « […] mon frère, il est venu, il est resté ici deux ans, puis il a adoré ça. Il s'est dit « Si je pouvais travailler au Canada comme médecin, je le ferais. » Malheureusement, les circonstances font en sorte qu’il est retourné en Colombie.

Finalement, l’expérience du réfugié, comme celle que Gabriel Gallardo a vécu, est différente des autres participants, puisque le cheminement de l’individu est composé de certaines inquiétudes qui lui sont propres. Cela étant dit, les questions d’avenir sont les mêmes. Comme M. Gallardo le précise : « Début de décembre 2007. [J’]Habitait un gros logement qui se trouvait aussi plein […] [d’]autres Mexicains, qui aussi demandaient le refuge. […] Et [nous avons] commencer à regarder […], qu'est-ce qu'on va faire ici? […] De voyager jusqu'ici [...], au Canada, même [au] Québec? Et c'est la question. […] qu'est-ce que je vais faire ici? Point final. »

Départ pour la MRC Pierre-De Saurel

temp

La plupart des migrants habitent temporairement Montréal ou son cercle urbain avant de choisir de s’établir ailleurs, poussé par leurs emplois ou les programmes scolaires. Le cas de la MRC, et surtout de Sorel-Tracy, n’est pas différent des autres régions, mais quelques particularités la distinguent. Son secteur économique, qui attire des individus avec un certain profil, est l’un d’entre eux.

Plus récemment, c’est aussi l’expérience qu’ont vécue Séraphin Djoulde et Jael Endale. Dans l’offre d’emploi pour laquelle ils ont postulé : « […] le programme, il est bien structuré […] [il] a donné des orientations en fonction des besoins, sûrement qu'ils ont à combler à Sorel-Tracy. Donc, on a quitté le Cameroun directement pour Sorel-Tracy. »

Par exemple, Paloma Isabel Gallado est venue à Sorel-Tracy à la fin de sa scolarité pour faire un stage chez Finkl Steel : « On est arrivés à la ville de Québec. C'est là que j'ai fait un bac, que j'ai étudié en ingénierie. À la fin de mes études, j'avais fait un stage ici, au Forge de Sorel. Puis quand j'ai fini mes études, j'ai eu la chance de pouvoir travailler avec eux. »

Pour Paul Drouot, c’est l’emplacement du cégep, couplé de son programme ouvert aux étudiants internationaux, qui a déterminé sa nouvelle ville : « Mais si je suis à l'extérieur et [si] je fais une demande en tant qu'international, je n'avais pas tous les cégeps qui l'offraient. Donc il y avait Sorel, il y avait Saint-Jérôme, puis il y avait les autres cégeps perdus dans le fin fond du Québec. […] dans mon budget, je ne pouvais pas me payer une voiture. Je l'avais calculé, ça [ne] rentrait pas, ça [ne] passait pas. Donc, il me fallait un endroit qui soit assez gros pour avoir une bonne diversité de salaire, puis pas juste du salaire minimum ou 15 pièces de l'heure. Il me fallait quelque chose qui soit quand même assez bien desservi en transport en commun. » Seul Sorel-Tracy remplissait tous ses critères.

Pour d’autres, la région était moins un choix qu’une évidence. C’était le cas pour la famille Salomon : « Tu sais, il y a une chose, c'est qu'on nous avait dit le directeur de l'unité à l'époque, qui habitait Sorel et qui recevait beaucoup de Français parce qu'il y avait beaucoup de Français qui venaient sur le site. […] il nous avait dit quand on est arrivé […] : « Bon bah là, en tant que Français, je pense que vous allez vous installer sur Montréal ». Pour Thierry, c’est un choix illogique : « Montréal, pourquoi ? Le bureau est Sorel ? » […] Et puis, il dit bien, « C'est bizarre parce que tous les Français, ils aiment bien aller à Montréal. Il y a les écoles françaises et tout. » Bien nous, on a répondu « Bien non, nous on vient […] au Québec, c'est pour rencontrer le Québec, on [ne] veut pas rencontrer les Français. […] on va venir ici, on va s'installer ici. ». Et le gars était extrêmement surpris. » Il faut dire que la nature du contrat de l’employé était temporaire, et qui n’engageait pas le travailleur dans une procédure migratoire à long terme. Mais pour les Salomon, une expérience totale était nécessaire. Comme le souligne Sandrine Peugeot : « Je pense que l'intégration s'est faite, plus vite à cause de ça. ».

Plus récemment, c’est aussi l’expérience qu’ont vécue Séraphin Djoulde et Jael Endale. Dans l’offre d’emploi pour laquelle ils ont postulé : « […] le programme, il est bien structuré […] [il] a donné des orientations en fonction des besoins, sûrement qu'ils ont à combler à Sorel-Tracy. Donc, on a quitté le Cameroun directement pour Sorel-Tracy. »

Un autre facteur, cette fois plus récent, explique aussi le déplacement de certains couples dans la région. La pandémie de la COVID-19 a changé bien des habitudes dans la vie quotidienne des Québécois, mais c’est dans l’immobilier qu’elle a eu le plus d’impact pour nos participants. Comme le souligne Diana Lopez : « En fait [une] grande partie de notre décision de quitter […] Montréal, c'était la pandémie. Car on disait comme « Oh oui, Montréal, il y a plein de restos, il y a plein de bars, de tout le monde, tu peux goûter n'importe quoi, des spectacles d'ici et de là. » Mais la pandémie, c'était rien de ça. […] Tu es « pogné » dans un mini, mini appart', à rien faire [payer] un loyer hyper cher. On a dit comme « Non. C'est fini ! » Lors d’une rencontre au Salon de l’immigration, ils entrent en contact avec le Carrefour Jeunesse Emploi qui les associe à Jacinthe Parent, « notre marraine, ici en région. », « […] on commence à s'écrire comme « Voici mon CV. » On cherche de l'emploi là-bas. […] Jacinthe a réagi […] rapidement […] Elle a […] invité en séjour exploratoire privé. […] Elle a […] contacté […] deux courtières immobilières. C'est elle qui nous a aidés à faire la recherche. […] on voyait une liste énorme des maisons. On a choisi comme trois ou quatre pour venir visiter. […] ».

Cette exploration est une réussite, puisque le couple trouve une maison qui leur convient. Ils sont séduits par le parc du Vieux-Sorel : « On est tombé en amour à ce moment-là, car le Carré Royal a une structure bien similaire à la « plaza », comme on appelle en Mexique. Donc dans tous les petits villages au Mexique, il y a des choses semblables au Carré Royal, comme une petite esplanade, l'église en face et des commerces autour. […] Pour nous, c'était trop beau pour être vrai. Et elle [Jacinthe] a dit comme « Écoute, il y a juste deux ou trois restos, il [n’]y a pas comme beaucoup de choses à faire. Les gens qui ont grandi ici, après 17, 20 ans, sont tannés. Tout le monde décide d'aller à Montréal, la grande ville, le bruit, etc. » […] Mais pour nous, à ce moment dans notre vie, on était comme « Okay, on a déjà assez de Montréal […] C'est assez. » Sans avoir vécu une expérience identique, on retrouve le même son de cloche chez Gabriel Gallardo, qui trouve une maison plus abordable dans la région pendant la pandémie. L’homme qui habitait Longueuil avec sa famille y voit une « belle chance », alors qu’ils continuent de travailler dans leur milieu d’emploi respectif. Pour la première fois, le couple est en mesure d’acheter une maison pour eux et leurs trois enfants.

Éducation

Parmi nos participants, certains avaient des enfants qui ont été ou qui sont présentement à l’école. Par exemple, pour le couple Djoulde et Endale, leur jeune fille est déjà entrée à l’école primaire : « Parce que si je fais une analogie avec le Cameroun […], c'est en français. […] notre fille au Cameroun faisait l'école anglophone. [À] L'arrivée [elle] s'est améliorée parce qu'elle ne connaissait même pas compter en français. Ça s’est amélioré, mais elle va copier le français québécois. Mais nous, on va travailler dans le fond, parce qu'on est... Le gouvernement lutte pour que le français soit toujours optimal […] Donc, nous, on va aussi travailler dans ce sens, dans ce gouvernement, même si elle parle le québécois. Moi, au fond, ça [ne] me dérange pas. […] On va travailler conjointement avec eux pour la préservation de la langue française avec elle. Parce qu'on […] peut parler plusieurs langues. Le québécois, c'est une langue aussi. » L’adaptation à l’école québécoise n’est donc pas un problème.

C’est ce que souligne le couple des Salomon, dont les enfants ont terminé l’école il y a plusieurs années. Puisqu’ils ont fait un aller-retour entre leur premier et leur deuxième voyage, il était facile pour eux de voir la comparaison entre les deux pays : « [En 1998] on [avait] demandé la meilleure école de la région, on nous a dit […] L'école Au Petit Bois. […] Avec les enfants à l'école, on était super bien accueillis, ils étaient tous contents. […] C'était les premiers petits Français qui arrivaient dans cette école-là ! […] On est retourné en France au bout de deux ans. […] Et puis un soir, un peu avant Noël […] je pose la question, on était tous à table, j'ai dit « Bon, est-ce que tout le monde se plaît ? Tout le monde est content d'être revenu en France, à l'école et tout ça ? » Ah, ça a été [pour] les trois enfants « On était mieux [au Québec] avec les amis là-bas, l'école était plus facile ». Bien, pas plus facile, mais c'est une autre dynamique. […] » Ils ont donc déménagé au Canada de nouveau, mais cette fois pour de bon : « Les enfants avaient retrouvé à nouveau leurs repères avec l'école. […] Tu sais, on parle beaucoup, bien en France, avec les différences des écoles françaises et québécoises et les Français, ils disent- [En dénigrant l'école québécoise]. Puis là, nous on [ne] connaissait pas, donc on se fiait un peu sur ce qui nous disait […] « Ben ouais, vous savez, c'est pas le même niveau au Québec ». Bon okay, on [a] dit « Bon on va, on verra, on va faire attention à ça quand on sera là-bas ». Donc on va à la commission scolaire. En ‘98, […] on discute avec la directrice [de l’école Au Petit Bois], puis elle dit « Ah bon ? Bon, vous avez trois enfants, on va les mettre dans telle et à telle classe ». Puis là, moi je dis « Bah ouais, mais on nous a dit que le niveau scolaire n'est pas forcément le même entre en France, on pense que nos enfants ont un niveau plus élevé que là, selon l'âge normal et tout ». Puis la fille, j'avais bien aimé la madame. La réponse qu'elle a donnée […] : « On va essayer […] on va les mettre dans la classe selon leur âge [où] ils devraient être et puis on verra. Si au bout de trois mois, si on voit que vos enfants sont largement au-dessus des nôtres, on les passera dans la classe supérieure ». Ah ben parfait ! Tout compte fait, ils sont restés là ! […] Ça a été marrant parce [que] […] au bout de deux ans qu'on a décidé de retourner en France, on est retourné voir les écoles françaises. On revient du Québec depuis deux ans […] « On est du Québec. Mais là voilà. Vous savez, il y a une méchante différence de niveau entre la France et le Québec. On va être obligés de les mettre une classe en dessous ». Alors, j'ai ressorti la même phrase que la madame « Ouais, mais on va faire un test, on va les mettre dans la classe, ils devraient être pis on va faire la même chose. Au bout de trois mois, si ça [ne] marche pas, on va les descendre d'une classe ». Puis tout compte fait, ils étaient hyper bons. C'était surtout les deux grands qui rentraient au secondaire. Ils avaient un niveau supérieur mathématique, anglais alors là […] n'en parlons pas ! […] Les mathématiques étaient très, très, très supérieures à la France ! »

Particularités observées

Quelques observations ont été faites par certains participants, mais pas par l’ensemble d’entre eux, ce qui laisse penser qu’elles sont peut-être spécifiques à un pays ou à l’expérience d’un individu.

Par exemple, pour Mme Lopez, la ponctualité lors des rencontres entre amis n’est pas perçue de la même façon au Québec : « Au Mexique, on a la mauvaise habitude d'arriver toujours en retard. On n'est pas ponctuels. […] Ça, c'était une des premières choses. On avait appris l'importance de la ponctualité. Si on va se rendre avec des amis mexicains, pas graves. On peut arriver 15, 20 minutes en retard, c'est pas la fin du monde. Mais oui, ça, c'était une des premières chances qu'on a eues ». Elle se penche aussi sur la proximité des individus avec autrui, très différente ici : « Je ne sais pas ça vient d'où, mais oui, aussi la partie de [ne pas] toucher les gens, ça a été aussi difficile à faire. C'est sûr qu'à cause de la pandémie, tout a changé, maintenant, tu ne touches personne. » La distance du toucher est aussi un phénomène que relève Séraphin Djoulde, entre autres avec sa fille : « […] une fois, quelqu'un m'a demandé la permission pour toucher l'enfant, j'ai dit « Il faut une permission pour toucher ? ». Et puis j'ai compris que bon, c'est aussi la réglementation, la loi ici... Même quand tu vas à l'hôpital, s'il faut enlever les habits, c'est toi même qui enlèves donc… »

Pour les Salomon, le changement de température (au-delà de l’hiver !) a été une différence majeure : « Mais tout ce qu'on avait appris sur le Québec en France, était tout faux. Nous pensions […] qu'il faisait froid à l'année. Qu'il n'y avait pas de soleil jamais, cinq mètres de neige. Et c'est pas du tout ça. » Mais c’était déjà mieux que ce qu’ils connaissaient : « Nous, on habitait dans une région qui fait quand même assez froid. C'est sûr que si tu habites dans le sud de la France, qu'à Noël tu es sur ta terrasse, il fait 25 degrés, t'arrives ici […] tu vas la trouver difficile. […] Mais nous on partait […] déjà d'une région assez froide, assez pluvieuse. »

C’est finalement dans l’attitude des Québécois que quelques différences ont été observées par Paul Drouot et par Séraphin Ayissi Djoulde. Pour le premier, il est question d’une certaine passivité des gens, surtout comparée à la France : « […] c'est le fait que t'sais en France, oui on se gueule dessus puis on est nerveux tout ça, mais on a le don de se dire les choses. Et au moins on crève l'abcès […] Ici, je sais que si je suis trop frontal avec quelqu'un qui est Québécois, ça va retrousser en arrière puis ça va dire, "non il [n’]y a rien, tout est correct, c'est correct" puis c'est après que ça va jaser. […] Il faut dire les choses, mais je sais que c'est un enjeu aussi pour moi donc je fais attention dans les relations que je peux avoir notamment avec les partenaires, avec les autres intervenants que ce que j'ai à dire justement je ne sois pas trop direct ou trop frontal parce que […] Je [ne] veux pas créer une rupture dans la collaboration, parce que c'est comme ça qu'on travaille aussi en intervention. »

Pour Séraphin Djoulde : « Il faut le dire, j'ai eu cette chance-là de tomber sur le bon collègue. Il m'a beaucoup aidé dans la langue. Et puis les habitudes, la culture aussi, les sous-entendus. […] Par exemple, dans mon pays, si j'ai quelque chose contre toi, je t'appelle, je te le dis. « Mais ça, tu as fait ça, ça […] Je n'ai pas apprécié […] » Et puis ça s'arrête là. Mais au Québec, on n'aime pas trop l'affrontement. […] »